Les thèmes

Les Carnets de Marie de la Trinité développent plusieurs thèmes. En voici quelques uns parmi les principaux.

Dans le sein du Père

Cette expression dans le sein du Père (in sinu Patris) trouve son origine dans l’évangile de Jean chapitre 1, verset 18 : « Nul n’a jamais vu Dieu ; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, lui, l’a fait connaître. »

Elle se rencontre aussi très fréquemment chez les auteurs de l’École française, notamment Jean-Jacques Olier qui avait initié ses prêtres à une spiritualité sacerdotale qui consistait à « être en Jésus qui est dans le sein du Père. »

Cette expression se retrouve sous la plume de Marie de la Trinité, dans ses carnets mais aussi, dans le journal spirituel qu’elle a tenu, pendant trois ans, avant son entrée dans la vie religieuse. A la date du 6 février 1930 nous lisons : _ « Ô mon Christ Jésus, absorbe-moi en toi. Que je disparaisse en toi. Alors, en toi, je serai dans le sein du Père, et je serai engendrée pour une vie nouvelle, et vraiment je naîtrai à nouveau. Mais maintenant, à cause de mon péché, il faut que je souffre et que je meure avant d’entrer dans cette gloire du Père et de naître à nouveau. »

En effet, quelques mois plus tôt dans la nuit du 11 août 1929, Marie avait été comme “aspirée” dans le sein du Père et ces quelques lignes du 6 février rassemblent toute l’expérience de cette grâce in sinu Patris. Dans cette grâce fut montré à Paule :

le Fils dans le sein du Père et leur amour réciproque
l’âme telle que le Père la voit mais aussi ce qu’est le péché
que le Fils s’unit à notre nature pour réparer le péché
que le Père veut nous « incorporer » à son Fils parce qu’il nous aime
qu’entre l’abîme du péché et le sein du Père, le Christ a suivis une voie de sang.

Le sein du Père est le lieu du Fils, le lieu de l’engendrement. C’est le lieu où le Fils nous entraîne avec lui. Par le don de la filiation, nous devenons fils dans le Fils.

Accédez au texte de la grâce du 11 août 1929 (carnet 2 p. [110]/1 à [122/7])

Accédez à la conférence du père Jean Beyer s.j. « Sœur Marie de la Trinité » (sans date : Introduction – I. Prise en vie trinitaire 2- Assumée en filiation divine 3- Vivre le sacerdoce personnel 4- Conclusion)

 L’Incorporation au Christ

La notation du 6 février 1930 : « Ô mon Christ Jésus, absorbe-moi en toi… » contient aussi l’annonce de la seconde grande grâce qui survient les 14 et 15 juin 1941 où Marie fait l’expérience d’une incorporation au Christ. Ce qui est d’abord porté à sa connaissance, dans la journée du 14 juin, est ceci :

Le sacerdoce est donné à la nature humaine du Christ assumée par la Personne du Verbe en vertu de l’Incarnation ; elle voit aussi que le sacerdoce déborde la nature humaine du Christ.

Il s’en suit que toute grâce d’union à la nature humaine du Christ est une grâce d’union à son sacerdoce et que notre propre humanité, semblable à celle du Christ, est assumée, comme celle du Christ, par le Verbe incarné.

Marie reçoit la certitude que Dieu l’appelle personnellement à une vocation particulière : « J’ai reçu la certitude que Dieu m’appelle, moi, à une vocation très haute … Cette vocation concerne le sacerdoce du Christ, et l’union à ce sacerdoce. »

La journée du 15 juin est celle de l’expérience qui se déroule en deux phases : inclusion et transport.
Par le terme “inclusion”, Marie tente d’exprimer l’incorporation dans le Christ. Elle fait l’expérience de l’application de l’âme du Christ sur sa propre âme, c’est « comme dans une médaille : la même empreinte au recto et au verso, mais d’un côté en relief, et de l’autre en creux… la forme est une, et cette forme est le sienne propre, sa forme Personnelle. »
La seconde phase est exprimée par ces mots : « J’éprouve que le Christ, par son sacerdoce, me prend en Lui, et me transporte in sinu Patris avec l’efficacité toute puissante de sa force victorieuse et que je suis, par Lui, agréée et reçue du Père. Je suis, par le Christ, par son sacerdoce, transportée, reçue et agréée. »

Accédez au texte de la grâce des 14-15 juin 1941(carnets 1 p. 54/41 à 65/46)

Accédez au texte de la conférence du père Chantraine s.j. « Don de notre incorporation au Verbe Incarné » Paris, 19.11.1994

 Le précieux sang

Le thème du Précieux Sang semble sortir directement du Dialogue de Catherine de Sienne. Le Sang est le signe de l’amour rédempteur du Christ et de la miséricorde du Père. Chez Marie de la Trinité, c’est un thème qui apparaît en liaison avec le sacerdoce et il est aussi lié à sa propre expérience du mal.

Le 3 janvier 1941, elle fait l’expérience suivante : « Je comprends que c’est l’heure du Précieux Sang ; je vois qu’il est tout à moi, qu’il m’est tout donné, et je demande qu’il submerge tout. Et mon passé fut comme un gouffre, et le Précieux Sang le remplit – il remplit tout, et le gouffre disparut, et le Précieux Sang inonda tout, et le Précieux Sang devint une plénitude infinie. Je regardai tant que je pus : le gouffre n’était plus un gouffre d’amertume et de péché – mais en toute sa profondeur et sa capacité il était devenu précieux comme le Sang, Précieux par le Sang – et même, c’est à cause du mal que le Seigneur avait choisi ce gouffre pour l’inonder du Sang – et Lui seul en sait la profondeur ! »

Dans la grâce du 11 août 1929, Marie voit le Christ parcourant toute la distance entre l’abîme du péché et le sein du Père par une voie de sang. Plus tard, elle comprendra que c’est le sacerdoce qui donne à cette voie toute son efficacité.

En novembre 1941, elle écrit dans ses notes de retraite : « Je compris aussi que je dois marcher en son sacerdoce plus qu’en son Précieux Sang car c’est par le sacerdoce que le Sang purifie : et dans le sacerdoce il y a tout le Précieux Sang, plus la Gloire – toute l’expiation et l’immolation, plus la louange. »

Accédez au texte de la conférence du frère Gilles Berceville, o.p. : « Convergences entre sœur Marie de la Trinité et sainte Catherine de Sienne. » 1995

 Filiation et Sacerdoce

Le thème de la filiation et du sacerdoce est le thème majeur des carnets de Marie de la Trinité, au point que sous le titre Filiation et sacerdoce des chrétiens , le père Motte en a réalisé un recueil édité en 1986. Cet ouvrage a été repris par le grand théologien allemand Hans Urs von Balthasar sous le titre Im Schoss des Vaters, en 1988.

Marie a compris profondément et intensément que le désir du Père est de se communiquer à sa créature par la filiation « pour remplir l’âme de sa propre vie, de sa Déité. » Comment connaître ce qu’est la filiation sinon en en observant les effets dans le Christ lui-même ?

Marie, dans l’expérience du 15 juin 1941, se trouvant enclose dans le Christ comme en une transparence, observe comment le Christ vit sa filiation : Il y est passif car il reçoit tout du Père et en est comme rempli ; il est, comme Fils, rempli de la plénitude de la divinité – mais selon son sacerdoce il est actif, actif pour le sacrifice, et sur sa propre humanité.

Elle saisit alors que c’est la filiation qui donne toute sa qualité, toute sa valeur au sacerdoce qui est mû, agi par l’Esprit Saint. Elle voit combien le Christ fut souple et docile à l’opération de l’Esprit. C’est en raison de cette fidélité que le sacerdoce du Christ fut si parfait en tout, si parfait dans le sacrifice, si parfait dans la louange.

Accédez à la conférence du frère Camille de Belloy, o.p. « Sacerdoce et sacrifice chez Marie de la Trinité : un éclairage thomiste » La Vie spirituelle n° 773 novembre 2007

 La Trinité

Le thème trinitaire est partout présent dans les carnets comme le contrepoint accompagne la mélodie pour employer une image musicale.

Dix jours après la grande grâce in sinu Patris, le 22 août 1929, Paule consigne dans son agenda de jeune fille des notes vibrantes sur l’union trinitaire : Dans la Trinité, c’est l’amour qui consomme l’unité. […] Le Saint Esprit opère l’union immuable du Père et du Fils. Union éternelle, union, union…

Ce qu’elle contemple, ce sont les relations des Personnes entre elles Non pas un amour propre au Père, et un amour propre au Fils, mais un unique amour procédant du Père et du Fils, embrassant le Père et le Fils.

Et dans cet amour, elle voit nos âmes unies au Père par l’identification au Fils, l’union étant produite par le Saint Esprit.

 Autres thèmes

Marie de la Trinité a collationné les thèmes présents dans ses carnets. Elle était bien consciente de la nécessité d’organiser ses 3250 pages de texte et pour cela elle avait indiqué les principaux thèmes. Les voici dans l’ordre qu’elle avait elle-même disposé : Déité-Trinité, Père-Fils, Verbe, Esprit, Filiation, Sacerdoce, Immolation, Hostie-Sang.

Le père Motte a fait remarquer que toute une dogmatique pourrait être déduite des carnets ainsi qu’une ecclésiologie et un traité des sacrements.

Marie n’a jamais pu réaliser la synthèse qu’elle envisageait. Il a donc fallu prévoir, pour chaque tome des carnets qui vont sortir aux Éditions du Cerf, une table thématique répertoriant les thèmes majeurs afin que le lecteur se fraie plus facilement un chemin dans ce texte très dense.

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